Détachement des salariés : portée du formulaire A1

Question de Mme Joëlle Mélin

Le formulaire E101, devenu depuis les règlements européens (CE) no 883/2004 et (UE) no 987/2009 l’attestation A1, permet de limiter certaines fraudes en cas de détachement de salariés en application de la directive 96/71/CE. Depuis les arrêts Fitzwilliam (CJUE, C‐202/97) et Herbosch Kiere (CJCE, C-2/05), cette attestation certifie que des travailleurs détachés par une entreprise de travail temporaire sont affiliés au régime de sécurité sociale de l’État d’origine des travailleurs détachés et, dès lors, lie les institutions et juridictions des États membres.

Il s’avère que dans l’affaire C-359/16 présentée à la CJUE, les certificats E101 avaient été obtenus via une fraude manifeste. L’autorité bulgare ne s’étant pas prononcée sur la validité des certificats, les autorités belges se retrouvaient face à une impasse.

L’avocat général considère, dans ses conclusions du 9 novembre, que le certificat E101 ne s’impose pas à une juridiction de l’État d’accueil lorsque celle-ci constate que le certificat a été obtenu ou invoqué frauduleusement et qu’une solution inverse «conduirait à un résultat inacceptable».

Aussi, nous souhaitons savoir si la Commission entend autoriser les juridictions de l’État d’accueil à ne pas accepter les formulaires A1 lorsqu’elle constate que le certificat a été obtenu grâce à une fraude?

Réponse donnée par Mme Thyssen au nom de la Commission

Le 6 février 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu son arrêt dans l’affaire C-359/16, Altun.

Cette affaire concerne la situation où l’institution de l’État membre dans lequel des travailleurs ont été détachés saisit l’institution émettrice des certificats E 101/A1 d’éléments concrets qui donnent à penser que ces certificats ont été obtenus frauduleusement

Si l’institution émettrice s’abstient, en violation de son obligation de coopération loyale, énoncée à l’article 4, paragraphe 3 du Traité sur l’Union européenne, de prendre en considération ces éléments aux fins du réexamen, dans un délai raisonnable, du bien-fondé de la délivrance desdits certificats, lesdits éléments peuvent être invoqués dans le cadre d’une procédure judiciaire, aux fins d’obtenir du juge de l’État membre dans lequel les travailleurs ont été détachés qu’il écarte les certificats en cause, s’il juge que ces certificats ont bien été délivrés de manière frauduleuse.

Toutefois, les garanties inhérentes au droit à un procès équitable doivent être accordées à ces personnes dans le cadre de la procédure judiciaire ouverte contre eux

Les principes dégagés par la Cour dans cet arrêt sur la portée de certificats E101/A1 sont applicables aux situations similaires dans lesquelles les conditions posées par la Cour pour que soit constaté le caractère frauduleux de la délivrance de ces certificats sont réunies.