Le Digital Services Act est un projet de législation visant à imposer des régulations plus strictes aux géants du numérique, notamment les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) dont la surface financière, la multiplicité des services qu’ils proposent et tout simplement la puissance sont devenus un sujet d’inquiétude. La Commission européenne pointe surtout du doigt la dépendance sociale et économique des particuliers comme des entreprises à ces plateformes numériques.
Le Digital Services Act doit mettre à jour la directive E-Commerce de 2000, quand les géants de l’Internet n’en étaient qu’à leurs débuts…
- Cette nouvelle législation est prévue pour décembre 2020.
- Une consultation publique s’est déroulée entre début juin et début septembre.
- Thierry Breton, le commissaire européen chargé de la politique industrielle, du marché intérieur, du numérique, de la défense et de l’espace, a été auditionné au Parlement européen en commission Industrie, Recherche et Énergie, le jeudi 1er octobre.
- Les chefs d’État et de gouvernement se sont réunis à Bruxelles pour un sommet européen début octobre.
Les dirigeants affirment que « pour garantir sa souveraineté numérique », l’Union européenne doit « renforcer sa capacité à définir ses propres règles et à faire des choix technologiques autonomes ».
Au cœur des propositions en cours d’élaboration par la Commission européenne, se trouve la redéfinition de ce que sont devenus les GAFA : des « plateformes structurantes » qui, de part leur rôle essentiel dans le bon fonctionnement de la société, doivent être soumises à une supervision accrue.
Pour Thierry Breton, « certaines plateformes se comportent souvent comme si elles étaient trop grandes pour se soucier des préoccupations légitimes sur leur rôle : too big to care » rappelant le fameux too big to fail dont s’enorgueillissaient les banques…
En réponse au projet de législation les concernant, les géants du numérique déploient une offensive importante de lobbying pour limiter la portée des nouvelles réglementations, refusant la dénomination de « points de contrôle » ou de « gatekeepers » alors que l’écosystème numérique est, selon eux, particulièrement diversifié et évolutif.
Concrètement, le projet pourrait interdire tout auto-favoritisme comme la pré-installation de leurs propres applications sur les téléphones mobiles et les ordinateurs qu’ils commercialisent, la mise en avant de leurs propres produits dans des résultats de recherche Internet, ou encore les boutiques en ligne imposées d’office comme Apple Store ou Google Play.
Cette législation donnerait la possibilité pour leurs concurrents de proposer des produits en dehors de leur écosystème, permettrait aux utilisateurs de désinstaller toutes les applications qu’ils ne souhaitent pas conserver et contraindrait les GAFAM à ne pas utiliser à des fins commerciales les données recueillies sur leur plateforme (ou à les partager avec les entreprises du même secteur commercial qui utilisent leur plateforme).
Les GAFAM n’auraient donc pas le privilège de jouir en exclusivité des données qu’ils recueillent.
« Comme pour les banques, nous devons donc avoir les outils réglementaires adéquats pour superviser et contrôler ces acteurs qui ne sont plus de simples hébergeurs, mais des fournisseurs de services diversifiés et intégrés verticalement » rappelle Thierry Breton.
Le Digital Services Act s’inscrit dans le cadre du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui interdit les pratiques antitrust, c’est-à-dire anticoncurrentielles, prenant la forme d’accords et de pratiques commerciales qui restreignent la concurrence ou d’abus de position dominante.
L’objectif est de limiter la concentration économique et d’interdire toute entrave à la libre concurrence.
Si dans le cas présent, pour limiter le pouvoir des GAFAM, l’interdiction des pratiques antitrust joue en faveur des entreprises françaises et européennes, cette même interdiction a également été à l’origine de l’échec de la constitution de géants européens. On se souvient notamment du rejet de la fusion Alstom-Siemens.
Le fondement de notre réflexion en vue de légiférer ne devrait donc pas être celui de la libre concurrence mais celui de la protection, du soutien et du favoritisme de nos acteurs économiques. Nous devons changer notre perception de la concurrence à l’échelle mondiale : la concurrence libre et non faussée n’existe pas !
Par ailleurs, qu’en est-il des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) ? Les « GAFAM chinois » sont au moins aussi préoccupants que leurs pendants américains, notamment à l’aune du déploiement de la 5G.