Lettre à Mme Agnès Buzyn sur la sécurité sanitaire des couches pour bébés
Madame le Ministre,
L’ ANSES a été saisie pour étudier le risque sanitaire éventuel que présentent les couches-culottes jetables. Cette saisine a notamment fait suite aux essais de l’Institut national de la Consommation et aux publications de résultats dans le magazine 60 millions de consommateurs qui avaient mis en évidence la présence de produits si ce n’est dangereux, à tout le moins suspects.
Malgré vos contestations dans les médias, le rapport publié par I’ Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail est alarmant. Comme vous le savez, « gouverner, c’est prévoir». Il ne suffit pas seulement d’assurer qu’il n’y a pas de risque immédiat comme vous l’avez fait. La présence de 39 perturbateurs endocriniens, 17 cancérigènes certains et 14 cancérigènes probables et possibles est inquiétante sur le long terme. Vous savez très bien que ces produits sont dangereux par la durée de l’exposition. Or l’usage ininterrompu de la naissance à l’âge de trois ans environ est un facteur de risque évident. Vos propos pourront peut-être contenir les inquiétudes mais ne pourront pas minimiser les responsabilités en jeux.
Je souscris totalement aux recommandations émises dans le rapport et émets quatre autres recommandations afin de protéger les enfants et de rassurer les parents:
1. Concernant le dépassement de seuils sanitaires de plusieurs substances, notamment pour des substances reprotoxiques: nous demandons la levée de l’anonymat des échantillons testés et la publication de tous les résultats d’essais utilisés pour ce rapport, en particulier les résultats fournis par Group’hygiène de l’annexe 6. La protection d’intérêts commerciaux ne saurait prévaloir sur la protection de nos enfants. Nous demandons également que soient rappelés les lots concernés, que les parents soient informés et que les enfants exposés soient médicalement suivis jusqu’à la fin de leur développement et si nécessaire jusqu’à leur reproduction. Les produits concernés sont majoritairement vendus en grande surface, souvent combinés à des cartes de fidélité, il est donc aisé d’identifier les clients, d’autant qu’il s’agit d’achats récurrents par nature.
2. Concernant les pesticides, certains pesticides interdits dans l’UE sont malgré tout présents, indiquant le plus probablement un approvisionnement en matières premières hors-UE. Il est urgent d’interdire l’utilisation de ces matières premières contaminées. Sur ce sujet comme sur d’autres, dès lors que l’usage d’un produit phytosanitaire est interdit dans l’UE, les produits importés ne devraient pas avoir été exposés à ces mêmes pesticides.
3. Concernant la réglementation : en l’absence de réglementation particulière déjà applicable, et quel que soit notre ressenti à son égard, nous vous invitons à solliciter la Commission européenne afin qu’elle émette les actes appropriés dans les meilleurs délais dans le cadre de REACH et qu’une proposition législative soit à l’ordre du jour dès que commenceront les travaux parlementaires du prochain mandat au Parlement européen. En parallèle, et dans l’attente d’une législation européenne, un projet de loi devrait être présenté et adopté au plus vite.
4. Concernant le prix: consciente qu’il est possible que les produits les mieux disant ne soient pas les moins chers, il est nécessaire de transmettre aux fabricants une demande de modération sur les prix, afin de préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Ce sujet touche toutes nos familles, atteignant ce que nous avons de plus précieux et de plus fragile. Je serai donc particulièrement vigilante quant aux suites que vous donnerez à nos demandes et ne manquerai pas d’en communiquer les résultats.
Je vous prie de recevoir, Madame le Ministre, mes plus sincères salutations.
Dr Joëlle Mélin
Député français au Parlement européen Membre de la commission ENVI