Plaidoyer attristé pour l’heure d’hiver

Tribune du Dr Joëlle MÉLIN

Quelle tristesse de se dire que l’arrêt du changement semestriel d’heures en Europe va nous obliger à trancher entre le bonheur des longues soirées ensoleillées et la sagesse de notre bien être permanent. Choix cornélien !

On nous dit qu’une majorité de français préfèreraient l’heure d’été : est-ce bien le vote de tous, citadins et ruraux, des producteurs de biens et/ou d’une majorité de consommateurs utilisant au mieux les 35h heures et les RTT ? Car, à l’opposé du plaisir des soirées conviviales et des possibilités d’une vie « après le travail », il convient de prendre en considération des éléments quasi vitaux pour le monde humain, animal et végétal.

Pour les humains tous d’abord : en France comme de presque tous les pays européens, nous sommes, depuis longtemps, en décalage d’une heure avec le soleil. L’heure d’été nous décale de deux heures, ce qui est considérable. Décalage horaire auquel il faut rajouter une interférence, celle de la durée de notre cycle naturel jour-nuit, qui est de 24h 12 minutes, contrairement au cycle nycthéméral des 24h, (1) : cela explique notre état brumeux d’un quart d’heure quand le réveil sonne. Nous pouvons trainer ces 12minutes de décalage toute la journée, avec une réelle fatigue.

Notre temps de sommeil est de plus en plus amputé le soir par les écrans de TV ou ordinateurs, alors que c’est la lumière la plus précoce le matin qui est garante de notre horloge physiologique (2) : retarder cette exposition dans la journée par un lever tardif, expose à des risques de dépression, d’obésité et de diabète, surtout en hiver.  Que dire des travailleurs en 3/8 qui cumulent ainsi les décalages, avec un risque accru d’accidents de travail ? Et des travailleurs en extérieur, du BTP, des agriculteurs, des apiculteurs ou des marins, qui sont ainsi en rupture totale avec les horaires du reste de la société, étant obligés de travailler de nuit pour respecter le cycle de la nature ?

Les animaux ensuite, pour lesquels les soins quotidiens, de la traite au transport, ne peuvent se faire aux heures les plus chaudes sans créer du stress physiologique et hydrique. Les abeilles, déjà fragilisées, qui sont déplacées dans les ruchers ne supportent pas le stress.

Les végétaux eux-mêmes sont impactés, si l’homme ne les traitent pas à des heures compatibles avec toutes les étapes de leur plantation, à leur croissance ou à leur récolte.

Tout ceci est d’autant plus sujet à caution, que chaque pays a souvent plusieurs fuseaux horaires, tant en longitude qu’en latitude, et que l’avis des consommateurs de Nice n’a pas la même résonnance à Brest. Tourisme, loisirs, footing… tout ceci est important, mais n’est pas vital !

Somme toute, dans un souci de bien être général, il faut (hélas) adopter l’heure d’hiver.