Alors que l’Europe semble devoir affronter une nouvelle vague de Covid, et que toute l’attention des médias est concentrée sur l’évolution des mesures sanitaires, c’est un autre enjeu de santé méconnu qui se joue en coulisses, celui de la réglementation de ce qu’il est convenu d’appeler les « dispositifs médicaux ».
Posons le décor : un dispositif médical de diagnostic in vitro (donc de laboratoire) est un produit réactif, un matériau d’étalonnage ou de contrôle, une trousse, un instrument ou un appareil… N’importe quel élément utilisé dans l’examen in vitro d’échantillons provenant du corps humain. En clair, il permet d’obtenir des informations sur l’état de santé d’un patient : ce sont les tests de glycémie, de grossesse, c’est le réactif pour l’évaluation du risque d’une anomalie congénitale (ex. Trisomie 21) … Bref, il s’agit d’outils incontournables utilisés régulièrement, et d’une importance majeure.
Or, depuis 1998, une partie restreinte de ces dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (environ 8%) devait être soumise à l’aval de contrôleurs, dits « organismes notifiés », pour en vérifier la conformité, jusqu’à une récente mise à jour des règles par l’Union européenne, qui fait monter cette part à 80%. Adoptée en 2017, cette nouvelle directive, motivée par le scandale des prothèses PIP, doit normalement s’appliquer complétement dès mai 2022.
Mais voilà, le secteur n’est pas prêt !
Pourquoi : parce que ne s’improvise pas organisme notifié qui veut, et qu’à ce jour seuls 6 organismes, répartis dans 3 pays européens, ont la capacité de procéder aux contrôles requis… Pour toute l’Union européenne ! Là où le bât blesse encore plus, c’est que ces organismes sont des entités privées, sur lesquelles la Commission européenne n’a donc pas la main mise, aspect que Bruxelles semblait avoir oublié, tout comme elle a oublié de préparer le terrain avant de multiplier par 10 le nombre de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro à contrôler !
Et nous voici, comme d’habitude, face à une réalité que l’Union européenne n’avait pas anticipée, à devoir colmater à grands coups de « procédures d’urgence » ou d’amendements précipités, des failles qui auraient pu être évitées.
C’est donc un enjeu majeur que l’Union Européenne doit relever sur le plan sanitaire, d’autant plus que la pénurie de matières plastiques et de métaux indispensables à la production des dispositifs vient aggraver la situation.
Décidemment « l’Europe de la santé » est une succession d’échecs et de freins au travail des Etats en matière de sécurité sanitaire et industrielle.
Joëlle MÉLIN