E-005025/2021

Question avec demande de réponse écrite posée à la Commission par

Mme Joëlle Mélin (ID) le 8 novembre 2021

Article 138 du règlement intérieur

 

Objet : Service d’intelligence économique européen

Selon Alain Juillet, ancien haut responsable chargé de l’intelligence économique en France, l’intelligence économique se définit comme « la maîtrise et la protection de l’information stratégique qui donne la possibilité au chef d’entreprise d’optimiser sa décision ». L’intelligence économique regroupe essentiellement trois types d’activités : la veille, la sécurité économique et l’influence. Alors qu’il est communément admis que les entreprises, confrontées à la compétition mondiale, évoluent dans un environnement de plus en plus complexe et incertain, il semble opportun de doter l’Union européenne d’un dispositif d’intelligence économique, dont il restera à définir les contours et la gouvernance.

Si l’Union veut jouer une nouvelle partition en soutien aux économies des États-nations, c’est-à-dire contribuer à les réarmer au lieu de les affaiblir, elle doit revenir sur son dogme idéologique de la « concurrence libre et non faussée » et intégrer le concept de guerre économique. Il ne s’agit évidemment pas de supplanter les États membres dans leur vision stratégique propre – parfois divergentes entre pays – mais d’apporter une réelle valeur ajoutée européenne dans les domaines d’intérêts communs.

Eu égard à ce qui précède, la Commission envisage-t-elle la création d’un dispositif d’intelligence économique afin de favoriser les entreprises européennes dans la concurrence mondiale ?

E-005025/2021

Réponse donnée par M. Breton le 12 janvier 2022

au nom de la Commission européenne

L’intelligence économique est essentielle à l’élaboration des politiques européennes. La plupart des services de la Commission comptent sur des unités spécialisées qui effectuent des analyses économiques de manière coordonnée. En outre, le processus d’élaboration des politiques européennes s’appuie sur la science et l’expertise du Centre commun de recherche pour fournir des avis scientifiques indépendants et étayer l’action de l’UE.

La coopération internationale et le partage de valeurs fondamentales communes sous-tendent la politique de l’UE. Le projet européen constituait, en soi, le premier pas vers une paix durable. L’UE aide à éviter les conflits à travers le monde et travaille avec les pays et les organisations partenaires à l’élaboration de réponses efficaces aux menaces mondiales et transrégionales. En tant que puissance économique mondiale, elle joue un rôle essentiel et constructif dans les réponses apportées par la communauté internationale aux problèmes économiques les plus urgents.

La concurrence encourage les entreprises à proposer des biens de consommation et des services aux conditions les plus favorables. Elle favorise l’efficacité et l’innovation, et exerce une pression à la baisse sur les prix. L’ouverture au commerce et à l’investissement est une force ainsi qu’une source de croissance et de résilience pour l’Union. Dans la mesure du possible, l’UE veut travailler avec ses partenaires internationaux afin de renforcer les chaînes d’approvisionnement et diversifier ses importations. Dans le même temps, à chaque fois que cela est nécessaire, la capacité d’agir de manière autonome doit être exploitée.

Commentaire de Mme Joëlle Mélin le 14 janvier 2022

Je comprends, à la lecture de la réponse de Monsieur Breton, que la création d’un service d’intelligence économique européen n’est pas à l’ordre du jour.

Monsieur Breton fait par ailleurs référence à la domination du droit européen de la concurrence sur toute politique industrielle nationale au sein de l’Union. Symbolisée par l’opposition entre Mme Vestager et la France sur plusieurs dossiers majeurs, l’application de l’arsenal juridique européen empêche toute politique nationale de soutien à l’industrie et étouffe toute volonté d’accroissement de puissance des États.

Nombre de chantiers doivent pourtant nous inviter à une réflexion profonde et large sur les apports inexploités de l’intelligence économique en faveur des États-membres, de leurs entreprises et in fine de leurs citoyens : l’état avancé de la désindustrialisation de certains Etats membres de l’Union, au détriment d’autres ; le retard (voire l’échec) de notre continent dans le secteur des NTIC, malgré des acteurs européens de grande qualité ; l’absence de clauses-miroirs dans les accords avec certains pays tiers, qui défavorise largement de nombreuses filières européennes ; le refus de l’Union de réviser des dogmes éculés qui nous pénalisent ; la fragilité de l’Union face aux puissances installées ou émergentes ; l’incapacité de l’Union à définir une stratégie de (re)conquête de marchés…

Il semble ainsi qu’une optimisation voire une révision totale du dispositif actuel, au sein des institutions européennes, soit indispensable. Mais au-delà des aspects managériaux et organisationnels, il conviendrait surtout de changer l’état d’esprit avec lequel sont abordées les notions de mondialisation et de concurrence.