Le vote de ce jour au Parlement européen sur un dossier d’importance, « Une stratégie pharmaceutique pour l’Europe », qui dresse une ébauche d’ambitions pour le secteur pharmaceutique européen, fait ressortir une question souvent abordée depuis le début de la crise : celle de la propriété intellectuelle et des « licences obligatoires ».
Souvent présentée comme « la » solution pour accélérer l’accès aux vaccins au début de la crise, la « licence obligatoire » permet aux États d’autoriser un tiers à fabriquer un produit breveté sans attendre pour cela le consentement du titulaire du brevet. Ce n’est pourtant pas une solution miracle ! En effet, donner accès, à d’autres laboratoires, à la « carte d’identité » d’un vaccin ou d’un médicament ne les rend pas pour autant capable de lancer une production instantanément : on oublie souvent de préciser que monter une chaine de production, sécuriser des sources d’approvisionnement (aussi bien des constituants de médicament que des éléments nécessaires à leur conditionnement), voire recruter le personnel qualifié, prend du temps et de l’argent, ce qui n’est pas à la portée de tous. La question n’est donc pas aussi simple que l’on voudrait nous le faire croire.
Et que dire de la remise en cause de la propriété intellectuelle que cela représenterait ? Les brevets, puisque c’est de cela dont il s’agit ici, ont été créés pour permettre à un inventeur ou chercheur de protéger sa découverte, et lui permettre des droits exclusifs empêchant des tiers de reproduire sa découverte pendant un temps. C’est cette reconnaissance de la propriété intellectuelle qui encourage à la recherche et à l’innovation, puisqu’elle garantit reconnaissance et bénéfice. La remettre en cause, c’est impacter l’envie d’innover, mais c’est aussi réduire l’attractivité de l’Union européenne pour les entreprises : la propriété intellectuelle est fondamentale pour une société qui décide de s’installer !
Plutôt que de nous vendre un marché européen du médicament, dont on sait qu’il sera voué à l’échec comme tous les marchés européens sectoriels, l’Union européenne devrait s’atteler à garantir sa propre indépendance vis-à-vis des pays tiers en attirant durablement les entreprises et les PME novatrices sur nos différents territoires nationaux. Cela nous rendrait notre souveraineté industrielle, permettrait l’émergence de nouveaux fleurons européens, et assurerait des créations d’emplois.
Joëlle MÉLIN