E-005332/2021

Question avec demande de réponse écrite posée à la Commission par

Mme Joëlle Mélin (ID) le 30 novembre 2021

Article 138 du règlement intérieur

Objet: Gaia-X: l’indépendance de l’UE à l’épreuve des contradictions des traités

Le projet de cloud européen Gaia-X, lancé le 4 juin 2020, devait favoriser l’émergence de champions européens capables d’assurer l’indépendance et la souveraineté numériques de l’Union européenne, notamment en matière de stockage et d’exploitation des données, domaine vital dans lequel l’Union européenne accuse un retard stratégique abyssal par rapport aux acteurs américains (GAFAM) et chinois (Huawei/Alibaba), qui s’approprient déjà la quasi-totalité du marché européen des données.

Le succès de Gaia-X, conditionné à la participation exclusive d’acteurs européens, est aujourd’hui gravement compromis par l’omniprésence de ces acteurs extra-européens, américains et chinois, jusqu’au sein de son conseil d’administration, comme le dénonce courageusement M. Yann Lechelle, directeur général de Scaleway, membre fondateur du projet, qui décide aujourd’hui d’en claquer la porte [Scaleway quitte Gaia-X: «Je n’ai plus de temps à perdre avec un projet gangrené de l’intérieur par les GAFAM» (Yann Lechelle, directeur général, sur le site latribune.fr]

  1. Comment la Commission compte-t-elle donc assurer l’indépendance numérique et la sécurité des données des Européens, compte tenu de ces révélations d’une particulière gravité ?
  1. Cet objectif, légitimement attendu, ne se trouve-t-il pas en contradiction avec les principes de « non-discrimination » et de « refus du protectionnisme » que la Commission se charge de faire respecter ?

E-005332/2021

Réponse donnée par M. Breton le 1er mars 2022

au nom de la Commission européenne

Gaia-X est une initiative menée par le secteur privé. La Commission n’y est pas affiliée et exige de Gaia-X, en tant qu’organisation active au sein de l’UE, qu’elle respecte le droit de l’Union, y compris les règles pertinentes du droit de la concurrence. La Commission n’a aucune influence sur les décisions de Gaia-X en matière d’adhésion.

La Commission entend permettre aux citoyens et aux entreprises européens de conserver le contrôle de leurs données et veiller à ce que le traitement respecte les normes élevées de l’UE en matière de protection et de sécurité des données. Les politiques de l’UE en matière de données reflètent son approche ouverte, mais ferme, en ce qui concerne la souveraineté numérique, qui exige également de garantir l’intégrité et la résilience des infrastructures de données.

La Commission a lancé l’alliance européenne pour les données industrielles, la périphérie et le nuage afin de contribuer à coordonner et à rationaliser les investissements entre l’industrie et les États membres.

L’alliance devrait éviter une nouvelle fragmentation du marché et stimuler la fédération des capacités de traitement des données qui respectent le droit de l’UE. L’alliance est ouverte aux candidatures de toutes les parties intéressées. L’admission dépend toutefois d’une évaluation détaillée de l’utilité pratique des candidats au regard des objectifs de l’alliance, ainsi que de la mise en œuvre par les candidats de toutes les mesures techniques, juridiques et organisationnelles raisonnables afin d’empêcher tout transfert de données détenues dans l’Union ou tout accès à celles-ci qui seraient illicites en vertu du droit de l’Union ou du droit national. Cette approche est conforme à l’engagement pris par l’UE de respecter le principe de non-discrimination et de promouvoir un marché unique numérique ouvert et compétitif.

L’alliance est une initiative menée par les parties prenantes. La Commission a un rôle de facilitateur en vue de trouver des bases communes pour la discussion et la mise en œuvre des éléments à livrer.

Commentaire de Mme Mélin le 4 mars 2022

La Commission se réfugie derrière « l’initiative du secteur privé » pour se dédouaner de toute implication alors que, par ses capacités de financement et ses prérogatives législatives, elle serait évidemment en mesure d’orienter favorablement le projet Gaia-X.

Par ailleurs, quels que soient les critères de sélection des candidats à l’intégration, que ce soit dans Gaia-X ou dans l’alliance européenne pour les données industrielles, « l’approche ouvert » de la Commission rend ces projets inefficients dans la perspective d’une souveraineté numérique européenne, notamment au regard de l’extraterritorialité du droit américain. Le « principe de non-discrimination » est problématique : afin de soutenir nos industriels européens dans la compétition mondiale (a fortiori pour le marché européen), il serait pertinent d’appliquer une forme de « discrimination positive » en faveur des entreprises issues de l’Union européenne.

Euclidia, une alternative à Gaia-X, est par exemple une alliance européenne dont les entreprises membres sont détenues majoritairement par des actionnaires basés en Europe. Son objectif est clairement d’empêcher l’acquisition de pépites européennes par des géants étrangers, ce qui conduit habituellement à siphonner le savoir-faire, la technologie et les actifs européens, au détriment de la souveraineté numérique européenne.

SOURCES :

Jean-Paul Smets (vice-Président d’Euclidia) « Euclidia fait ce que Gaia-X ne peut pas faire. Les managers et cadres de Gaia-X sont tous dans des grandes entreprises qui ont des accords stratégiques avec AWS, Microsoft et plus globalement ont des liens très forts avec les GAFAM. Ce n’est pas le cas dans Euclidia constitué de patrons de boites européennes qui produisent la technologie du cloud et dont les capitaux sont tous européens. »

Syntec Numérique :

La Commission européenne prévoit de lancer officiellement au premier semestre 2021, son initiative « d’Alliance pour les données industrielles, le edge et le cloud » avec le soutien d’un ensemble de fournisseurs et d’utilisateurs européens de services en ligne. L’Alliance serait le pont entre les priorités de la Commission en matière de données et de nuages et les activités de GAIA-X. Une liaison formelle devrait ainsi être prochainement créée entre la Commission et GAIA-X afin d’organiser les synergies entre leurs activités complémentaires : l’alliance travaillera à établir des lignes directrices sur l’achat public, sur l’autoréglementation, etc, quand les travaux de GAIA-X porteront sur la normalisation, la définition de standards d’interopérabilité.