Question du Dr Joëlle MÉLIN

Dans les secteurs agricoles et agroalimentaires, les chaînes d’approvisionnement sont lourdement perturbées par le contexte sanitaire. En France, les débouchés à l’export se ferment les uns après les autres, ce qui va rapidement impacter les cours des principales productions.

Les pays les plus touchés par la crise sanitaire risquent ainsi de voir leurs approvisionnements alimentaires s’effondrer, pendant que les producteurs verront leur activité baisser voire disparaître. Afin d’éviter que de telles catastrophes se produisent, il est urgent que les producteurs puissent fournir de la manière la plus directe et la plus simple les réseaux de distribution.

  1. Face à l’urgence et à la gravité de la situation, la Commission a-t-elle l’intention de proposer rapidement aux pays membres des cadres dérogatoires adaptés en matière de concurrence et de contractualisation?
  2. Est-elle prête à activer les clauses de sauvegarde dans les accords qui nous lient aux pays tiers afin de pouvoir favoriser l’écoulement des productions européennes plutôt que celui des importations des pays tiers?
  3. Est-elle disposée à ouvrir les dispositifs de stockage et de retrait des marchés, ainsi qu’à augmenter provisoirement les prix de retrait des productions frappées par la crise?

Réponse donnée par par Mme Vestager au nom de la Commission

  1. Les conséquences de la pandémie de COVID-19 peuvent obliger les entreprises à coopérer afin de garantir l’approvisionnement et la distribution de produits rares aux consommateurs. Comme annoncé dans une déclaration conjointe, la Commission et les autorités nationales de la concurrence n’interviendront pas activement contre les mesures nécessaires et temporaires mises en place pour éviter les pénuries d’approvisionnement, qui sont peu susceptibles de restreindre la concurrence au sens de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ou qui génèrent des gains d’efficience susceptibles de l’emporter sur une telle restriction. Si des entreprises ont des doutes quant à la compatibilité de ces initiatives de coopération avec le droit de la concurrence de l’UE/EEE, elles peuvent s’adresser à la Commission, à l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE) ou à l’autorité nationale de la concurrence concernée à tout moment pour obtenir des orientations informelles. Par ailleurs, dans le cadre d’un train de mesures annoncé le 22 avril 2020, la Commission a adopté, le 30 avril 2020, trois règlements d’exécution permettant aux opérateurs de certains secteurs (lait, pommes de terre et fleurs) d’adopter des mesures collectives de stabilisation du marché pour remédier aux déséquilibres de l’offre et de la demande. Ces mesures constituent des dérogations à l’article 101 du TFUE, prévues à l’article 222 du règlement relatif à l’organisation commune des marchés. Elles doivent viser strictement à stabiliser les secteurs concernés, sans cloisonner le marché intérieur. En mars 2020, la Commission a adopté un encadrement temporaire des aides d’État qui définit des mesures d’aide d’État temporaires qu’elle juge compatibles au titre de l’article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE, et qui peuvent être approuvées très rapidement après notification par l’État membre concerné. Les États membres peuvent utiliser ces possibilités pour soutenir l’économie, y compris les producteurs primaires de produits agricoles, ainsi que la transformation et la commercialisation de ces produits. 

 

  1. Les accords commerciaux conclus avec des pays tiers favorisent les échanges bilatéraux. Les clauses de sauvegarde contenues dans ces accords permettent une suspension temporaire des préférences accordées, si celles-ci ont entraîné une hausse imprévue et préjudiciable des importations. Leur objectif n’est pas d’accorder des préférences aux produits européens en temps de crise. Toutefois, la Commission examinera toutes les plaintes dûment documentées afin de déterminer si l’institution de mesures de défense commerciale serait justifiée.

 

  1. Le 30 avril 2020 et le 4 mai 2020, la Commission a adopté un train de mesures visant à aider les secteurs touchés de manière significative par cette crise de santé publique. En ce qui concerne les secteurs des produits laitiers et de la viande, la Commission a adopté des actes accordant des aides au stockage privé permettant le retrait temporaire de produits en vue de rééquilibrer le marché. En ce qui concerne le vin, les fruits et légumes, l’huile d’olive, l’apiculture et le programme de l’UE à destination des écoles, la Commission a introduit une certaine souplesse dans la mise en œuvre des programmes de soutien du marché afin de permettre la réorientation des priorités de financement vers des mesures de gestion de la crise, y compris des retraits. Les prix de retrait sont fixés à l’avance au niveau approprié pour servir de filet de sécurité en cas de crise: il n’y a aucune raison de les modifier pour répondre à une crise particulière. 

 

MON COMMENTAIRE SUITE A LA RÉPONSE DE LA COMMISSION :

« Par sa réponse, la Commission confirme non seulement son impuissance mais réaffirme surtout qu’elle n’aura pas un rôle de facilitateur mais bien au contraire un rôle de contrôle des Etats qui souhaitent apporter une aide au secteur agricole et agroalimentaire. Un changement de paradigme est donc nécessaire quant au rôle de cette Commission qui doit cesser de défendre la sacro-sainte libre concurrence et défendre enfin activement les producteurs européens !«