L’enjeu du nucléaire est particulièrement sensible en France. Notre pays a développé, depuis longtemps, une expertise reconnue mondialement dans le domaine. Malheureusement, les gouvernements successifs n’ont pas pris la mesure du besoin de renouvellement des infrastructures et de recrutement de personnels qualifiés. Aujourd’hui, le manque de moyens financiers et humains impacte lourdement la filière nucléaire. Le fiasco de l’EPR de Flamanville et la fermeture du site de Fessenheim n’ont pu qu’illustrer cet amère constat et renforcer la mobilisation des militants anti-nucléaires.

Décrédibilisé techniquement, rejeté médiatiquement, le nucléaire est pourtant une énergie d’avenir. L’Union européenne se fixe un objectif de neutralité carbone d’ici 2050 alors que nos besoins énergétiques ne cessent de croitre. Les budgets des ménages sont de plus en plus serrés et on nous promet dans le même temps le déploiement de la 5G. Les échanges internationaux s’accentuent dans une économie toujours autant mondialisée tandis que nos espoirs se portent sur l’énergie « secondaire » de l’hydrogène.

Quelle énergie décarbonée peut absorber tous ces besoins ? On peut faire du mix énergétique, oui. On peut changer les habitudes de la population, certes. Mais malgré tout, il va en falloir de l’énergie pour subvenir durablement aux besoins de production et de transport des humains !

C’est dans ce contexte que, depuis mai 2017 dit-on, la réorganisation d’EDF est inscrite au calendrier du mandat du Président de la République. L’idée est alors de séparer les activités déficitaires d’EDF, des affaires rentables. EDF va alors proposer un plan, nommé « Hercule » dans lequel il propose de se scinder en deux sociétés distinctes : la société dite « Bleue », regroupant les activités nucléaires, et la société « Verte » regroupant les activités liées aux énergies renouvelables, à la commercialisation et à la distribution.

D’un côté les activités soumises à un monopole, d’un autre les activités en concurrence.

 

D’un côté, une société publique (Etat actionnaire à 100%), d’un autre, une société privatisée (dont l’Etat serait actionnaire majoritaire à 65%).

 

D’un côté, on fait peser sur le contribuable des investissements coûteux, de l’autre, on permet aux actionnaires de se dégager du poids des activités non rentables.

Au-delà de ces aspects déjà alarmants, la question de l’intégrité du groupe EDF, c’est-à-dire de l’indépendance ou non de ces deux nouvelles sociétés, est en question.

La Commission européenne, fidèle à sa doctrine de libre concurrence pousse EDF et le gouvernement français à, certes scinder les activités de l’entreprise en plusieurs filiales indépendantes les unes des autres, mais surtout sans stratégie commune, sans gouvernance commune. Ces nouvelles entreprises pourraient même être concurrentes les unes des autres.

L’injonction de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne (DG COMP), pour respecter les règles européennes de la concurrence, vise à éviter toute subvention publique d’un domaine concurrentiel. Pour la DG COMP, un Etat ne peut donc plus définir ses domaines stratégiques, soutenir son économie ou assurer son indépendance énergétique.

En l’occurrence, la position de la DG COMP va bien au-delà des exigences des textes européens.

Pourquoi ? Parce que la Commission européenne s’est fixée pour objectif d’empêcher l’émergence ou le maintien de tout géant industriel afin qu’aucune entreprise, dans quelque secteur que ce soit, ne puisse écraser la concurrence. De fait, la Commission empêche toute tentative de créer des leaders mondiaux, quitte à laisser le champ libre aux puissances étrangères. Cette vision de la concurrence, libre et non faussée, pure et parfaite, est éculée. Notre monde est fait de rapports de force : si nous ne le comprenons pas, nous disparaissons. Dans une économie mondialisée qui s’impose, de fait, à nous, nous sommes handicapés par le dogmatisme de la Commission européenne.

Aujourd’hui, la puissance publique et les décideurs politiques ne doivent, certes, pas être des freins – par une règlementation étouffante ou une administration paralysante – mais, mieux, ils doivent être des partenaires fiables pour épauler le monde entrepreneurial, de nos startups à nos fleurons nationaux. La Commission, elle, joue contre nos entreprises, contre notre autonomie stratégique et finalement contre les Européens.

Pour favoriser les actionnaires d’un côté, pour empêcher l’indépendance énergétique de l’autre, le gouvernement français et la Commission européenne ont une part de responsabilité dans le démantèlement d’EDF.