Protection pour les personnes travaillant pour des plateformes numériques

Question du Dr Joëlle MÉLIN

Le 7 mars 2017, Andrus Ansip déclarait que l’automatisation et la robotisation ne provoqueraient pas de «chômage de masse» en Europe. L’OCDE estime pourtant que 9 % des emplois, en France par exemple, présentent un risque élevé de substitution par des robots et que plus de 30 % doivent évoluer. De plus, si certains emplois numériques sont susceptibles d’être créés, il apparaît que ces emplois seront, pour nombre d’entre eux, des emplois de qualité médiocre en lien avec les nouvelles plateformes numériques. Par ailleurs, force est de constater que les emplois créés par de nombreuses plateformes numériques sont des emplois précaires, à l’origine d’un déséquilibre, en termes de charges, de normes, entre les acteurs de l’économie réelle et ces nouveaux travailleurs, ce à quoi la Commission européenne n’apporte aucune solution.

La Commission entend-elle se saisir de cette difficulté en permettant aux États membres de mettre en place un cadre réglementaire qui assure une concurrence saine et loyale entre tous les acteurs, afin de protéger les entreprises traditionnelles respectueuses des normes ainsi que les nouveaux travailleurs de ces plateformes qui, s’ils sont indépendants, sont en réalité en dépendance économique totale à l’égard des plateformes numériques ?

Réponse donnée par M. Ansip, vice-président au nom de la Commission

L’impact global de l’automatisation sur le marché du travail se traduira vraisemblablement par une substitution de quelques emplois existants, mais aussi, et plus significativement, par la transformation de la plupart des emplois, certaines tâches étant automatisées et remplacées par de nouvelles tâches. En outre, depuis 2006, plus de 2 millions d’emplois ont été créés dans l’UE pour les spécialistes des TIC (travailleurs ayant des compétences numériques avancées). Il faut aussi souligner qu’on dénombre aujourd’hui, dans l’ensemble de l’UE, plus d’emplois qu’avant le début de la crise financière en 2008[1].

Bien que l’impact net global soit nécessairement difficile à évaluer avec certitude, il est fort probable que les travailleurs devront adapter leurs compétences aux évolutions technologiques. La qualité des emplois, que ce soit sur le plan de la rémunération, de la sécurité d’emploi ou des conditions de travail, pourrait s’en trouver affectée, et les inégalités risquent de s’accroître. Il faudra vraisemblablement adapter les systèmes de sécurité sociale pour répondre à la nouvelle réalité du marché du travail.

Le développement de la transformation numérique ne suivra pas de voie prédéterminée. La Commission estime qu’une mutation numérique bien menée sera l’occasion de gagner en productivité et de soutenir la croissance économique tout en proposant des emplois de qualité et en fournissant une bonne protection sociale aux personnes travaillant dans les nouveaux modèles économiques. En ce sens, elle a lancé en décembre 2016 une «coalition en faveur des compétences et des emplois numériques» pour élargir le réservoir de compétences numériques en Europe et faire en sorte que celles-ci soient accessibles à tous. Le livre blanc sur l’avenir de l’Europe a ouvert un débat au sujet des transformations profondes qui s’opéreront dans le monde du travail et en Europe au cours de la prochaine décennie, et des réponses possibles de l’UE à ces changements. La Commission a également publié le «socle européen des droits sociaux»[2] pour aider les États membres et les institutions de l’UE à mener leurs actions futures en fonction des réalités changeantes du marché du travail et des sociétés.

[1]     Employment and Social Developments in Europe Quarterly Review – Hiver 2016 – http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=fr&pubId=7979

[2]     http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-1007_fr.htm