Question du Dr Joëlle MÉLIN

Les fortes inondations qui ont touché le sud-est de la France ont d’ores et déjà fait quatre morts, dont la liste pourrait s’allonger. Si le réchauffement climatique est l’un des responsables de l’intensité de ces phénomènes par son incidence sur l’augmentation de l’évaporation qui conduit à davantage de précipitations, c’est surtout et avant tout l’artificialisation des sols qui empêche l’infiltration de l’eau dans ces derniers et conduit à la stagnation de celle-ci en surface. Avec un taux moyen d’artificialisation qui varie de 16 000 à 61 000 hectares par an, selon un rapport de France Stratégie, la France se situe au-dessus de la moyenne européenne.

Aussi, face aux catastrophes destinées à se répéter dans le temps, nous souhaitons savoir si la Commission entend se saisir du problème de l’artificialisation des sols afin de lutter contre celle-ci et d’éviter ainsi l’aggravation de la situation actuelle. Le cas échéant, nous souhaitons savoir ce qu’elle compte préconiser en la matière et si elle entend privilégier et favoriser la rénovation et la réhabilitation du bâti existant plutôt que la construction neuve, qui dépasse déjà les besoins en la matière.

Réponse donnée par par M. Sinkevičius au nom de la Commission

La stratégie thématique de l’Union en faveur de la protection des sols[1] aborde le problème de l’imperméabilisation des sols[2] en sensibilisant davantage à cette question et en améliorant les connaissances en la matière, ainsi qu’en intégrant, dans les politiques nationales et de l’Union, des mesures allant dans ce sens. La feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources[3] et le 7e programme d’action pour l’environnement[4] ont défini un objectif: éviter, d’ici à 2050, toute augmentation nette de la superficie des terres occupées[5]. La directive «Inondations»[6] recommande à l’Union et à ses États membres de tenir compte des effets des politiques relatives à l’eau et à l’occupation des sols sur les risques d’inondation. Dans ce contexte, la Commission prévoit d’organiser un atelier sur l’occupation des sols et les inondations, qui devrait se tenir à La Haye en juin 2020.

En 2012, la Commission a publié les lignes directrices concernant les meilleures pratiques pour limiter, atténuer ou compenser l’imperméabilisation des sols[7]. Dans le cadre du programme urbain pour l’Union, la Commission a également établi un partenariat pour une utilisation durable des sols[8] afin de réduire l’artificialisation et l’imperméabilisation des sols en milieu urbain. Dans le cadre de ce partenariat, un manuel sur la réutilisation des espaces et des bâtiments a été élaboré[9], et un guide des zones urbaines fonctionnelles et de leurs avantages sera prochainement publié. Certaines initiatives, telles que la Convention des maires pour le climat et l’énergie[10], constituent des sources d’orientation supplémentaires. La Commission promeut des actions relatives à l’utilisation durable des terres et à l’aménagement du territoire dans le cadre du programme de l’Union pour l’environnement et l’action pour le climat (LIFE)[11].

La Commission intensifiera ses efforts pour honorer son engagement concernant la neutralité en matière de dégradation des terres et suivre les recommandations formulées par la Cour des comptes européenne dans son rapport spécial intitulé «Lutte contre la désertification dans l’UE»[12] La nouvelle stratégie de l’Union en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 s’attaquera aux principales causes de la perte de biodiversité, et notamment le changement d’affectation des terres. La nouvelle stratégie d’adaptation de l’Union facilitera l’intégration des considérations liées au climat dans le processus de prise de décision. La nouvelle stratégie pour un environnement bâti durable contribuera à promouvoir des initiatives visant à réduire l’imperméabilisation des sols et à réhabiliter les friches abandonnées ou contaminées.

[1] COM(2006) 231

[2] On entend par «artificialisation des sols» la transformation de terres agricoles, de terres forestières et d’autres terres semi-naturelles en terres urbaines et autres type de couverture artificielle.

[3] COM(2011) 571

[4] Décision nº 1386/2013/UE

[5] La base de données géographiques Corine Land Cover et les couches haute résolution du taux d’imperméabilisation des sols du programme Copernicus indiquent que l’artificialisation et l’imperméabilisation des sols en France ont ralenti ces dernières années. Dans le sud du pays, toutefois, la demande de terres urbaines continue d’augmenter plus rapidement que la population.

[6] Directive 2007/60/CE

[7] SWD(2012) 101 final/2

[8] https://ec.europa.eu/futurium/en/sustainable-land-use

[9]https://ec.europa.eu/futurium/en/system/files/ged/sustainable_circular_reuse_of_spaces_and_buildings_handbook.pdf

[10] https://www.covenantofmayors.eu/IMG/pdf/CovenantOfMayors_BestPracticePublication_web.pdf

[11] https://ec.europa.eu/commission/news/life-programme-2018-oct-25_fr

[12] https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_33/SR_DESERTIFICATION_FR.pdf

MON COMMENTAIRE SUITE A LA RÉPONSE DE LA COMMISSION :

« Pour une fois, la Commission semble avoir pris la mesure du problème. Il n’en demeure pas moins qu’elle nous parle de « feuille de route », de « lignes directrices »… mais à aucun moment n’évoque de réelles solutions concrètes. Combien d’autres innondations meurtrières devront nous subir avant l’aboutissement de son projet Horizon 2030 ? »